Ca n’arrive pas qu’aux autres

Voilà une aventure qui donne à réfléchir mais qui n’a pas commis la même erreur?

généralement sans conséquence….

Laissons parler le héro du jour:

Une drosse de barre qui casse

Avant de quitter Marseille, mon port d’attache, j’ai pris soin de tout vérifier : mât et gréement sont neufs, le moteur a été révisé et une croisière en Grèce, l’été précédent, m’a permis de corriger les derniers points faibles. Par négligence toutefois (et aussi parce qu’un changement total n’est pas simple à effectuer sur un Sun Fizz), je me suis contenté d’une inspection visuelle et d’un graissage des drosses du système de barre. C’est une erreur, car, le principe de Murphy étant aussi incontournable que celui d’Archimède, l’une d’elles choisit précisément de lâcher au milieu du canal.

Pas grave. Le pilote, dont le vérin travaille directement sur le secteur, me permet de reprendre immédiatement la main le temps de gréer la barre franche de secours (ridiculement courte) pour reprendre le bon cap…

Chercher ce qui a cassé

Le coffre arrière qui permet d’accéder aux drosses de barre Quelques heures plus tard, les bras et les épaules un peu fatigués, j’arrive à Rodney bay, immense plage au nord de Sainte-Lucie où je pose l’ancre sur le sable par cinq ou six mètres de fond. La mer est plate comme la main et mon plus proche voisin se trouve à une bonne centaine de mètres : nous ne risquons pas de nous toucher ! J’envoie, comme il se doit, la boule de mouillage et le pavillon Q puis, sans prendre le temps de redéployer le bimini, franchement curieux, je m’apprête à vérifier si la drosse est effectivement cassée ou s’il s’agit, comme je l’espère, simplement d’un serre-câble à reprendre. Nous sommes en milieu d’après midi et je me promets, après tout cela, une baignade bienvenue avant la douche…

Au fond du coffre pour réparer

Pour accéder au secteur de barre, il me faut vider le coffre qui sert de siège au barreur et en ôter le fond. Mais avant cela, je dois d’abord enlever une boîte de stockage des bouteilles de gaz que j’ai aménagée. Elle est équipée d’un tuyau de mise à l’air libre qui rejoint celui d’origine situé dans le coffre bâbord. Après avoir vidé ce dernier, muni d’un tournevis et d’une lampe frontale, je m’y glisse pour desserrer le collier… Sur les voiliers de cette époque, les capots de coffre sont équipés de simples charnières à cadenas : une plaque de laiton percée d’une lumière qui se rabat sur l’anse fixée contre la paroi du cockpit. J’ai, bien sûr, des mousquetons frappés sur les filières pour sécuriser les capots en position ouverte, mais nous sommes sur un vrai lac… Je n’en ai que pour trois minutes… Négligence ? Inconscience ?

Enfermé dans le coffre !

La suite, vous la devinez sans peine : un petit coup de roulis sans doute causé par le passage d’une annexe et, patatras, le capot retombe, la charnière à cadenas bascule dans une élégante rotation et se referme sur l’arceau. Clac ! Tout devient noir ! Je suis enfermé dans mon coffre arrière bâbord, seul à bord, par 35°C à l’ombre au milieu du mouillage de Rodney Bay. Brassens, dans sa chanson pour Marinette, décrivait parfaitement de quoi j’avais l’air avec ma lampe sur le front et mon petit tournevis à la main… Dans ce genre de situation (j’ai la désagréable impression d’être un rat de laboratoire observé par un éthologue taquin), la première réaction viscérale consiste à se démener tous azimuts.

Animal, c’est ce que je fais. Pour rien. Les écrous des boulons du verrou-charnière sont, soit masqués par le surbau, soit noyés dans le polyester. Je lorgne du côté des charnières de la partie haute, même chose. Le seul truc que je réussis à faire est de casser mon tournevis en essayant d’écarter le bas du capot. Saleté… Je commence à transpirer, l’air devient lourd et poisseux. Par chance, je ne suis pas claustrophobe et plus de quarante ans de plongée m’ont appris à vivre en milieu confiné (quelques semaines plus tard, les trois quarts du monde devront s’y mettre, mais c’est une autre histoire…), il n’empêche : je ne vois pas les prochaines heures d’un œil optimiste, recroquevillé dans un coffre où je ne peux ni m’allonger ni me redresser, sans eau et avec une ventilation minimale.

Le temps passe… Réflexions…

Deuxième phase sous l’œil de l’éthologue décidément pervers : je me pose et réfléchis. Mon Iridium-Go est en route et mes proches savent au mètre près où je me trouve. Bonne pioche… Oui, mais cela ne m’avance guère, car il va falloir attendre au moins quarante-huit heures avant que l’inquiétude ne les gagne. Peut-être même un peu plus… Et que vont-ils imaginer ? Un portable en panne ? Après tout, je suis au mouillage dans un coin tranquille… Le temps de réaliser que j’ai effectivement un problème, de mettre en place une procédure de sécurité, je devrais attendre au bas mot soixante-douze heures.

Et encore… Bon… J’ai mis le pavillon jaune, peut-être les douaniers vont-ils passer ? Je n’ai pas de montre, mais, à vue de nez, les bureaux doivent être déjà fermés. Nous sommes dans la Caraïbe. Ici, peut-être plus qu’ailleurs, les gabelous maîtrisent parfaitement l’art subtil de l’overtime. Pas avant demain… S’ils viennent… Et si je criais ? Soit. Je crie. En vain : autant garder mon souffle, le vent porte au large, les voisins sont trop loin… Que faire ? La bouteille de gaz ? Je reviens à la première phase d’agitation en la démontant ainsi que son robinet dont j’essaie de me servir comme d’un levier. Le robinet casse. C’est bien la seule fois de ma vie de marin où je reproche au chantier Jeanneau d’avoir construit un peu trop costaud… On ne pleurait pas la matière en 1980… Même la cloison côté cabine est indestructible. Je prends la bouteille de gaz et cogne comme un sourd sur le fond du capot, mais je suis à l’étroit et mes mouvements n’ont pas assez d’amplitude.

Inefficace, inutile et fatigant. L’air s’épaissit encore et ma bouche devient pâteuse. Les minutes s’étirent, longues et poisseuses. Je sue à grosses gouttes… Angoisse… Le coffre se referme sur Pierre… Et dire que mon téléphone est à moins de trois mètres, posé bien en évidence sur la table à carte ! Je peux bien aujourd’hui le confesser : sournoisement, l’angoisse me gagne. Ai-je d’autres choix que celui d’attendre la survenue d’un hypothétique secours ? Dans vingt-quatre ou quarante-huit heures (je n’ose envisager davantage), dans quel état serai-je ?

Une image me frappe. Je me souviens, plongeur perdu par le bateau de surface, avoir dérivé près de six heures sur le banc du Geyser, dans le canal du Mozambique. La première terre était à plus de cinquante milles et nous étions au début des années quatre-vingt. Il n’existait alors ni parachute de signalisation ni, a fortiori, de moyen électronique de repérage. J’ai eu peur, mais que faire ? Attendre en s’économisant et en se rappelant tous les bons moments. J’avais alors listé et ressassé tous les êtres, les endroits, les plats que j’avais aimés. Une technique pour ne pas penser au pire. Finalement, j’ai été récupéré à la nuit tombée grâce à mon flash d’appareil photo que j’actionnais à intervalle régulier. Ce soir-là, en remontant l’échelle perroquet du vieux thonier qui roulait dans la houle du large, je suis né une deuxième fois grâce au regard d’aigle d’un jeune marin malgache. Aujourd’hui, même sans la menace des requins longimanes, je réalise que ma situation est bien pire parce que personne ne me cherche…

Action… Il existe, dit-on, deux sortes de stress : le bon et le mauvais. Celui qui annihile et celui qui sauve. Aiguillonné par un solide instinct de survie, j’oublie mes listes positives pour entrer dans une troisième phase, celle de la rage. J’ai envie de hurler. C’est trop bête ! Il doit bien y avoir une solution ! j’ai alors conscience qu’il me faut tenter le tout pour le tout avant d’être épuisé par la déshydratation. C’est maintenant ou jamais. Le dos appuyé dans la longueur de la coque (en travers, ce serait impossible), jambes repliées au-dessus de moi, les pieds à plat contre la partie horizontale du capot, je décide de donner tout ce que j’ai.

La position n’est pas idéale (si j’ose dire), car la coque est naturellement très inclinée dans sa partie arrière et je ne travaillerai pas de manière symétrique. Tant pis. Je respire bien et force une première fois. Rien. Une deuxième fois. Rien encore. Ce coup-ci, Pierrot, c’est le dernier, le rat doit sortir de sa cage. Je mets dans mes cuisses tout ce dont je suis capable… Le Bien, le Mal et toutes mes tripes. Je veux sortir ! Mes jambes tremblent, une douleur traverse mes lombaires… Je force comme s’il s’agissait d’une troisième naissance et, soudain, le verrou lâche ! Alors, frappé d’étonnement, le souffle court, je vois le ciel et les petits nuages pommelés qui rosissent. Mes vertèbres sont en compote, c’est sans importance : une bouffée de bonheur m’envahit.

Le verrou a lâché !

Heureusement, le verrou à cassé Maintenant que les mois ont passé, je suis incapable d’évaluer la durée de mon enfermement. Une heure, deux peut-être ? Quand je me suis redressé, le soleil était déjà bien bas. Avec difficulté, j’ai enjambé le rebord du cockpit et j’ai vu que le verrou s’était tout simplement rompu dans la partie boulonnée au capot. Sans doute fatiguée par les coups de tournevis et de robinet, la plaque de fixation s’est déchirée, les trous de vis constituant des amorces de rupture bienvenues. Après ce rapide constat, courbé comme un vieillard, j’ai englouti le contenu d’une bouteille d’eau puis je me suis baigné. L’eau était bleue, chaude et diaphane. Enfin, plus tranquillement, je me suis préparé un planteur que j’ai senti et goûté comme s’il contenait la destinée de l’univers. Et je crois bien que c’était le cas. Malgré un dos ruiné, j’étais heureux, j’étais en vie. Moralité : toujours assurer les portes de ses coffres…

Pierre Martin Razi


Vivre notre passion

Cette photo illustre parfaitement notre état d’esprit:

La tourmente (Passagère) n’altère pas notre envie de vivre notre passion, nous profiterons au maximum des fenêtres météo de l’automne pour rester en contact avec la mer.

Même réduites par les mesures de précautions sanitaires, nos activités reprennent en mer comme au sein de nos associations, avec des équipes plus soudées que jamais:

Tenue de l’AG APLR

Sorties pêche

Croisière des 2 iles en fin de mois

Projets de croisières individuelles en octobre

Reprise de certaines formations

Pour l’UNion des Associations de Navigateurs de Charente Maritime (UNAN CM): l’AG s’est tenue in extrémis en mars au Château d’Oléron et des Commissions Nautiques locales se sont tenues à distance.

Pour la Fédération Nationale des Plaisanciers de l’Atlantique et de la Méditerranée: Une téléréunion du bureau s’est tenue dans nos locaux le 17.

Au cours de cette réunion des décisions concrètes en faveur de la reprise des activités ont été prises.

Nous espérons pouvoir renouer bientôt des contacts avec les administrations qui se sont barricadées.

Bon vent et bonne pêche à tous

 


Prenez soin de vous

SAUVETAGE DE QUATRE PLAISANCIERS EN BAIE DE CONCARNEAU (29)

Sauvetage de quatre plaisanciers en baie de Concarneau (29)
11 juin 2020

Le jeudi 11 juin, à 07H32, le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) d’Etel est alerté par l’activation d’une balise de détresse signalant le naufrage du voilier Aki No Kaori à 1 nautique (1,8 km) au Sud du Cap Coz (29).

 

Le CROSS diffuse immédiatement un message d’alerte Mayday Relay et engage un dispositif de recherche composé :

 

–          Du semi-rigide du patrouilleur côtier Géranium de la Gendarmerie maritime ;

–          De la vedette SNS 297 Bro Foen de la station de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) de Beg-Meil-Fouesnant ;

–          D’un semi-rigide, d’un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) et d’une patrouille terrestre du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 29.

 

A 08h02, deux des quatre plaisanciers sont localisés à bord d’un radeau de sauvetage, tandis que deux autres sont à proximité, dans l’eau. Tous portent un gilet de sauvetage. Récupérés en état d’hypothermie à 08h08, ils sont ramenés à terre et pris en charge par les pompiers.

 

L’épave du voilier a été localisée et fait l’objet d’un avis urgent aux navigateurs par les autorités maritimes : AVURNAV N° 1899/20.

 

 

Dans le cadre de cette opération, la préfecture maritime de l’Atlantique rappelle qu’un bulletin météorologique spécial pour la Bretagne a été émis par Météo France et est actuellement en cours. La préfecture maritime de l’Atlantique invite tous les usagers de la mer à la plus grande prudence en évitant au maximum les sorties en mer.

 

Sortir en mer dans des conditions météorologiques dégradées, c’est mettre sa vie en danger ainsi que celle des sauveteurs en mer qui seraient amenés à intervenir en cas de problème.